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Marmotte Granfondo Alpes 2017 – Récit

Quatre jours après ma participation au Prix des rousses 2017, le 2 Juillet donc, avait lieu LA cyclosportive des Alpes: La Marmotte Grandfondo. Pour ceux qui ne connaissent pas vraiment cette course légendaire, on peut la résumer simplement en quelques chiffres: 174km, 5000 mètres de dénivelé positif, 7500 participants (inscriptions bloquées), 88% de participation étrangère (soit 6600 cyclistes), plateau international très relevé avec plusieurs cyclistes pro (Fortuneo-Vital, Direct Energie, FDJ, …) ou neo-pro (Eddy Finé, …) et surtout 5 cols mythiques des Alpes à franchir: Le Glandon, Le Télégraphe, Le Galibier, Le Lautaret et l’Alpe d’Huez et ses 21 lacets.

Un parcours comme celui-ci oblige à l’humilité, particulièrement pour une première participation. Pour cette raison, je m’étais fixé deux objectifs, l’un atteignable relativement facilement, l’autre nettement plus difficilement:

  • Terminer cette course
  • Terminer cette course dans un temps me permettant de me classer OR dès la première participation.

Cette cyclo-sportive aura finalement été un long chemin de croix.

J’étais pourtant globalement en confiance compte-tenu de ma prestation sur le Prix des Rousses (compte-rendu ici) où j’avais fini 55ème en étant parti 350ème avec de très bonnes sensations sur tout le parcours: j’avais remonté plus de 290 participants dès l’Alpe d’Huez. Sur la Marmotte, les sensations ont été globalement l’inverse: une franche impression d’être collé au bitume. C’est aussi pour cette raison que je n’ai pas écrit le compte-rendu trop rapidement, déjà parce qu’il a fallu digérer les mauvaises sensations mais aussi les analyser et enfin retrouver la motivation de se « reconnecter » à cette course. J’écris la plupart des articles de ce blog dans le but d’aider les cyclistes qui voudraient s’atteler aux mêmes cyclos ou ultras que moi et le but c’est surtout de faire du retour d’expérience. Du coup ce compte-rendu va aussi (beaucoup) s’attarder sur les erreurs.

La partie préparation a démarré trois jours avant l’épreuve, juste après les Rousses avec trois jours de mise en saturation de glycogène grâce à la maltodextrine. J’ai pris chaque jour une demi-ration de Malto (index glycémique < 15) de chez Overstim’s, soit 80 grammes alors qu’ils conseillent 150 grammes dans 1,5L d’eau. Le but était vraiment de saturer les réserves. Je ne prends que la moitié car le reste de mon alimentation pour les cyclos apporte généralement toutes les réserves dont j’ai besoin: je suis plutôt un bon mangeur et mon coeur bat assez bas, je sollicite longtemps la filière lipidique et je ne suis pas trop affuté -> y’a du jus en réserve 😀 Je prends aussi de l’Harpagophytum (phytothérapie à effet « rapide ») et de la Glucosamine (glucose au long cours) pour les articulations et les tendons. Ca tient plus du « gri-gri » que d’une réelle analyse scientifique. Enfin, j’ai pris l’habitude de me balader avec des chaussettes de contention les trois jours avant l’épreuve, surtout si j’ai tapé un peu avant.

La veille de la Marmotte, je me suis fait une session de déblocage en grimpant le col d’Ornon à (très) faible intensité:

 

Le but de cette sortie était essentiellement de faire tourner les jambes, de mobiliser les chaines musculaires, de garder le corps dans un état de forme relatif sans pour autant taper dans les réserves. Du grand classique en somme.


Le 2 Juillet au matin je me réveille vers 4h30 du matin car le départ est donné à 7h. Mon corps met toujours du temps à démarrer donc je suis plutôt matinal en cas de course. A cause des RGO, il me faut une heure pour avoir faim, puis j’aime laisser le temps au système digestif de démarrer aussi pour ne pas être ennuyé avec les toilettes sur la route, etc. Mon acolyte de toujours dans les périples les plus stupides du monde (passer le Galibier à 20h après 4 cols par un temps de tempête et à côté de névés de neige de 2 mètres, faire une ultra de 1100 km avec plus de 30 000 mètres de d+, etc) a dormi à la maison. C’est vraiment idéal et « game-changer » pour les events comme ça car même s’il n’y a pas d’enjeu, il y a toujours un peu de pression, 1000 et une chose à penser, et discuter permet de dédramatiser et de ne pas trop penser à la course.

On essaie de commencer à structurer la nutrition dès le réveil en mangeant un Gatosport (sans résidus) pour apporter les premiers glucides d’une bien longue journée; on apporte aussi un peu de caféine avec deux cafés et nous quittons la maison vers 6h pour aller récupérer nos goodies, nos plaques de cadre, signer nos engagements, etc. Retour à la maison pour déposer le kg de matériel inutile et installer les lumières. Le tunnel du Chambon s’est écroulé l’année précédente, on passera donc par une voie secondaire mais avant celle-ci nous traverserons plusieurs tunnels mal (pas ?) éclairés et l’organisation nous impose de nous équiper sous peine d’être disqualifiés.

J’ai toujours ce foutu rhume que je me traine depuis le Prix des rousses, le médecin me dit la veille de la marmotte que ça passe, que c’est allergique, mais finalement 4 jours après la marmotte je serais soigné par antibiothérapie pour une bronchite, plus une corticothérapie inhalée pour calmer le foyer inflammatoire tellement y’a le feu au niveau des bronches… Mais ce rhume n’explique pas à lui seul les mauvaises sensations que j’ai eu sur l’épreuve en dépit d’un temps honorable.

Vers 6h30, on quitte la maison pour aller dans la file de départ (on parle de 7500 personnes au départ) et on commet notre première erreur. Le temps s’annonce exécrable. Il y a un brouillard particulièrement dense, les nuages sont très bas, un peu de vent et l’air est vraiment frais. On craint la neige ou du grand froid à 2700 dans le Galibier (surement les vestiges d’une ancienne sortie…). On part donc chargés comme si on partait pour une ultra. Nous avons les sacs Apidura en arrière avec beaucoup trop de matériel pour une course comme celle-ci. On prend aussi les gourdes 750cl au lieu des 500cl. On va trainer pas mal de poids pour au final s’apercevoir qu’on est les seuls du premier groupe à avoir opté pour cette stratégie mais aussi on s’apercevra que bien qu’on ait raison sur la température en haute altitude, on passe tellement comme des flèches et on avoine tellement dans les descentes que on n’a pas vraiment le temps d’avoir froid. Les premiers participants ont du monde en bord de route pour donner et récupérer les vestes et les bidons aussi. Au niveau développement le choix a été simple pour moi, je suis parti sur du passe-partout: 34×28; au niveau nutrition, j’ai pris 6 gels, 4 barres sucrées et 4 barres salées. Passé les 150km je ne peux plus avaler de sucre, mon corps est en rejet et j’ai toujours une sensation « d’acidose » dans la bouche. Au niveau lunettes, compte-tenu de la météo, j’ai opté pour du verre photochromique pour gérer nuage/pluie/soleil simplement dans les descentes.

A 6h50 nous sommes dans notre sas. Même stratégie que pour le prix des rousses, comme c’est une découverte pour moi, je pars queue de peloton de mon sas. Il me semble que le sas 1 c’est 2500 participants et peut-être une centaine de gars des autres sas qui tentent de gratter pour partir plus tôt. On doit donc partir dans les 2600. Mais les chronos étaient globalisées sur les sas ça ne change pas grand chose qu’on parte sas 1 ou sas 3 sauf si on vise un top 10 où là il faut rouler avec le pack.

La tête de groupe est partie super rapidement et de notre côté nous sommes dans les roues des trainards et des gens qui n’ont pas vraiment d’objectifs sur cette marmotte si ce n’est que de la finir (étonnant qu’ils soient du coup dans ce sas alors qu’il en reste 2 à partir derrière nous et que le premier sas est plutôt désigné « performance »). On part de Bourg d’Oisans, on essaie de relayer mais ça ne roule pas, du coup en haut du Barrage du Verney à Allemont je lâche un peu les Watt avec FX et on rattrape un paquet qui, on l’espère, va grimper à une allure décente.

Finalement, la première partie de la montée du Glandon se fera à une allure peloton. C’est impossible de lâcher les Watts, on se retrouve trop vite dans les roues d’autres participants qui coincent dès le premier col. En partant fin de sas on a évité les chutes sur le plat du début de course mais on va payer la note sur cette ascension où il est impossible de vraiment rouler à notre rythme. On remonte quelques participants mais rien de tonitruant. Il y a tellement de monde qu’on se perd de vue plusieurs fois dans la montée.

Le passage du Rivier d’Allemont et son tape-cul à 13% nous permet enfin de faire une belle sélection et d’ouvrir un peu la route où l’on peut commencer à se mettre à notre rythme. Je fais un choix simple: grimper au cardio pour gérer la journée. Sur une première participation on a vraiment envie de se faire plaisir mais je joue la sécurité et je me bloque à 220W et 162bpm sur l’ascension pour rester dans une zone confort.

Nous atteignons le sommet dans les conditions prévues: il fait vraiment froid, c’est très couvert, la route est humide. On a 5° là haut, je me dis que le Glandon est à 1924m et me demande si on va avoir la neige en haut du Galibier à 2700. Ca rajoute un côté guerrier à l’épreuve, c’est sympa et flippant en même temps.

Petite photo où on voit le barrage de Grand’Maison et surtout les reliefs chargés et mon super sac apidura sur la marmotte en mode facteur 🙂 J’ai les poches arrière tellement chargées qu’on dirait Jan ullrich et que je pèse 120kg.

A partir du sommet, le chrono est neutralisé pour la descente car elle est rendue vraiment dangereuse: il y a eu plusieurs morts sur la marmotte et depuis la préfecture impose la neutralisation des temps sur cette portion et un contrôle plus fin du temps avec des équipes renforcées au sommet et dans les virages dangereux. J’en profite pour faire un remplissage des gourdes, j’attends FX qui ne tarde pas à arriver et on s’engage sur la descente.

Je ne bombarde pas spécialement dans la descente, surtout que j’ai en point de mire un cycliste très mauvais descendeur devant moi qui fait des embardées dans chaque virage. Il reste parfaitement droit sur son vélo du coup ses trajectoires sont exécrables. Je profite d’un passage plat pour rouler à bloc et le dépasser pour finalement entamer réellement ma descente. Pas grand chose à raconter sur cette descente si ce n’est que c’est un excellent choix de l’avoir neutralisée. Elle était particulièrement dangereuse; la Marmotte étant aussi une course « familiale » pour les sas 2 et 3 c’est vraiment idéal important pour éviter des chutes de personnes qui ont dépassés leurs capacités dans le Glandon et qui ne sont déjà plus très lucides.

Je m’arrête juste avant le reprise du chrono, pause pipi, FX qui a réalisé la même descente prudente que moi me rejoint et on repasse devant les faisceaux de chronométrage. Nous attaquons la partie plate ensemble et nous constituons rapidement un groupe de coureurs. Dedans on a trois gros moteurs, deux gars qui ont des gabarits de coureur de vélodrome et moi qui met à profit mes qualités de rouleur picard. Et ça tombe bien parce qu’on a un vent de face vraiment sévère qui nous colle à la route.

Toutefois, compte-tenu des circonstances, on passe les 25km de la vallée de la Maurienne à très bonne allure. On prend tous les quatre des relais vraiment appuyés. On remonte une quinzaine de groupes essentiellement composés de grimpeurs qui ont explosés sur le plat. On tente d’embarquer avec nous à chaque fois les plus gros rouleurs mais compte-tenu de ce qui nous attend ils préfèrent en garder sous la pédale et barboter sur le plat. Vers la moitié de la portion plate, au début des faux-plats montant, FX décide de se relever et se met dans les roues d’un groupe pour se préserver pour la suite; de mon côté je file jusqu’à Saint-Jean-de-Maurienne. Je me suis demandé en rentrant si mes mauvaises sensations dans le Galibier étaient liées à ce passage et Strava m’a apporté la réponse: au final, je fais une moyenne à 318W sur cette partie, avec 166 en bpm, donc totalement dans la norme de performance que je réalise d’habitude.

On ne sort que 35km/h de moyenne sur cette portion mais cette moyenne est largement à pondérer avec les 252m de d+ des faux plats montant et le vent contraire qui nous collait à la route. Malgré cette « petite » moyenne, on a mis beaucoup d’engagement et remonté dans les 150 cyclistes je pense sur cette portion.

Toute les bonnes choses ayant une fin, on arrive à Saint-Jean-de-Maurienne, virage à droite, tout à gauche au niveau dérailleur, et hop, on attaque le Télégraphe. Dans le Télégraphe, il y a vraiment du monde partout. On n’est pas encore dans le cimetière que sera l’Alpe d’Huez mais il y a quand même beaucoup de monde de travers. Je décroche rapidement les deux moteurs qui ont roulés avec moi en les remerciant pour ce moment de fun et je repère un gars qui monte comme moi, avec une gestion très « contre la montre », c’est à dire régulière, sans à-coup, ni attaques. Je me cale dans sa roue puis le relaie et on fait une première partie d’ascension ensemble. Finalement je passe le second point de ravitaillement sans m’arrêter. Dans la deuxième partie de l’ascension je sens les prémices d’un petit passage à vide. J’ai mangé structuré: un gel sucré et une barre céréalière dans le Glandon, un gel sur la partie plate et une barre dans le télégraphe. Je sais que je ne suis pas en hypoglycémie. Donc je ne tiens pas tellement compte de la sensation et de toute façon, il n’y a pas grand chose à faire, il faut monter, je ne suis pas collé, juste que je sens que je ne suis pas à plein régime comme d’habitude. Puis je me dis que c’est déjà le deuxième col d’envergure qu’on passe, c’est normal que ça use.

J’atteins le sommet du Télégraphe et je m’arrête rapidement au ravito. Sur ce ravito c’est la guerre. Tout le monde est dans le rush, il faut jouer des coudes pour boire deux verres d’eau saturés en sirop de menthe et manger deux pates de fruits. Certains cyclistes vident leur poche en pleine montagne alors qu’il y a des poubelles partout, mais bon, un emballage c’est surement trop lourd à porter dans la montée du Galibier. Autant balancer les 12 nanogrammes et polluer la montagne qui nous accueille pour 120 ans. Ils manquent aussi cruellement de savoir-vivre et de sympathie envers les bénévoles alors qu’ils ne jouent plus la gagne depuis bien longtemps. Les avions de chasse sont déjà loin je pense. Bref, je me remet en marche et je comprends mes sensations en demi-teinte dans le Télégraphe en regardant mon Apidura. Je traine dans les 5kg de plus que d’habitude avec le cumul des gourdes et tout le matos dans le sac, ça me fait marrer et j’ai une pensée à distance pour FX en me disant qu’on a confondu ultra et sortie performance. Strava me confirme à nouveau que je suis propre en Watt et en bpm dans le Télégraphe. C’est le poids qui pose problème.

Je repars et je bombarde dans la descente jusqu’à Valloire. Là bas, il y a encore un ravito, encore saturé. Pas l’envie de reperdre 5 minutes à jouer des coudes, je trace et je fais le plein à une petite fontaine dans valloire. Et là l’enfer démarre. Entre Valloire et Plan lachat, je suis complètement à l’arrêt. Je me fais dépasser par une 50 aine de participants sur cette portion. Je suis vraiment écoeuré car c’est une section où les % ont plutôt tendance à avantager les grimpeurs « puissants » (6%) plutôt que les véloces de 50kg. J’ai vraiment des mauvaises sensations, de deux choses l’une: soit je suis sec en glucide, soit je suis déshydraté. Je regarde mon maillot attentivement: je suis un sac de sel. J’enchaine sur l’écoute de mes sensations: j’ai une sale tension dans le cou et un petit début de migraine. OK je suis déshydraté, je vide une gourde direct. Je me suis fait avoir par une truc simple: la journée est ultra couverte, il fait vraiment froid, on est surprotégé par des nuages très bas, on est parfois dans le brouillard, je n’ai pas les signaux classique du « il faut boire » que j’ai usuellement avec le soleil. Je n’ai même pas eu tellement soif. Bref, je vide la gourde et il me faut faire preuve d’abnégation pour ne pas m’arrêter sur le côté de la route et me coller quelques baffes. Cette portion d’enfer est confirmée par Strava, je sors 200W de moyenne dessus pour 580m de d+ et juste 162bpm, l’addition est salée.

Je passe Plan Lachat et je me rend compte que je suis complètement paumé sur la distance qu’il me reste à parcourir jusqu’au sommet du Galibier. J’ai passé le col quelques fois mais en allure « long », pas en allure « intensité », du coup j’ai du mal à doser l’effort. Puis finalement ce problème est régulé de deux façons simple: a) je n’ai pas les jambes pour envoyer donc je subis le reste de la montée; b) par chance le Galibier a des bornes kilométrique cycliste sur le côté de la route. Il me reste donc 8km à parcourir. Je comprends que du pied du Télégraphe au sommet du Galibier c’est 35km de montée pour un dénivelé positif de 2000 mètres et un sommet à 2642 mètres. Et donc autant de temps que je grimpe en dehors de la courte descente de Valloire . Il commence donc aussi à y avoir une partie de fatigue « naturelle » et je dois gérer ça car l’épreuve est encore longue. Dans les deux derniers kms je reprend des couleurs, l’eau commence à faire effet, j’appuie sur le champignon jusqu’à 200 mètres du sommet.

Lors d’une précédente sortie, j’avais été frappé par le côté Himalaya du sommet du Galibier lors de mauvais temps. Le vent souffle très fort et il n’y a aucune possibilité de s’abriter. Les vélos tombent et sont poussés sur les côtés la route, on ne peut pas se changer pour démarrer la descente, mettre les gants long nous gèle les doigts etc. Je choisis donc de me changer avant d’arriver au sommet, dans une zone où l’on est bien protégé. Ca fait deux km que je roule à côté de névés de neige en plein mois de Juillet, j’ai l’impression d’être au Canada.

Arrivée au sommet du Galibier, je reprends des « couleurs »

 

Descente du Galibier

Après avoir passé le Galibier, je suis vraiment dans mon élément, j’ai repris des forces, je connais bien la descente, je bombarde avec des trajectoires agressives. Je passe le Lautaret sans m’arrêter, et je continue ma descente vers Bourg d’Oisans. Je passe quelques tunnels, la Grave, puis le Chambon, et le Freney. Je fais la descente seul, en doublant pas mal de monde: sur la route c’est le cimetière, les gens s’arrêtent, ils font des étirements, etc. Arrivé au Freney je fais une courte pause pour virer manchette, veste, etc. A partir de maintenant, je n’aurais plus froid jusqu’à l’arrivée.

La portion qui va du Freney à Bourg d’Oisans est une horreur: c’est une alternance de faux plats montants, de petites montées sèches et on termine par une longue ligne droite de quelques kms à nouveau en faux plat montant qui nous amène au pied de l’Alpe d’Huez et ses terribles 21 lacets. Par chance j’ai rejoint un couple lors d’un faux plat. Je suis assez étonné par leur fraicheur et je ne comprends pas comment j’ai pu les rejoindre car ils envoient des relais vraiment costaud, je me fais violence pour rester dans la roue. J’ai un instant douté du fait qu’ils fassent parti de l’épreuve. Ils me permettent de passer la longue ligne droite sans me poser la question de comment je vais gérer le vent sur cette portion ou autre. On fait le job à trois et ça me sauve.

A Bourg d’oisans, il y a un énième ravito. Que je passe à nouveau. Je suis dans ma zone de saturation de sucre qu’on connait tous sur du long. Au bout d’un moment on ne peut plus avaler de sucre, le corps dit stop quand ça fait 150km qu’on tourne aux gels, au barres sucrées etc. Etant habitué à ce phénomène, j’avais embarqué plusieurs barres salées aux noix. J’en mange deux coup sur coup, à la guerre comme à la guerre. Je vois dans le trio que je fais saliver le gars avec du salé, il a l’air d’être dans le même type de rejet que moi. Je lui balance une barre et finalement notre collaboration s’arrête ici, il stoppe pour une pause au ravito.

Lors de la révision de mon vélo pour la marmotte, mon mécano qui est un bon pote m’a dit « tu sais le temps Huez Marmotte, c’est ton meilleur temps +30 minutes ». Dans la tête j’ai immédiatement pensé « bullshit ». C’est impossible. Je décide d’entamer la montée d’Huez directement, sans me poser de question. Je sais que sauf incident matériel, mon premier objectif va être atteint: je vais finir. Coûte que coûte. Mais malgré mes mauvaises sensations, je n’ai pas non plus perdu mon objectif de faire un temps OR pour ma première participation. Même si l’objectif est haut, je sais que je peux le faire. En 10 ans de haute montagne, j’ai monté l’Alpe d’huez plus de 150 fois, je connais chacun des virages, je connais chaque zone de récupération. Je vais monter à bloc dans mes % fétiches, rester calme dans les 12% agressifs du début et ça va passer nickel.

Petit excès d’optimisme qui va rapidement s’estomper dès le premier virage. Je suis complètement scotché à la route. Mais cette fois je sais que ce n’est pas l’hydratation ou l’alimentation, je suis bien sur les deux tableaux. J’ai été très structuré depuis 70 kms. Et les 5 kg de plus n’expliquent pas mes sensations. Je suis juste fatigué, ça fait 155 km que je roule, j’ai passé 4 cols, j’ai subi une tension et une météo pénible. Je suis usé. Ca ne poserait pas de problème sur un objectif long mais là j’ai le chrono qui joue contre moi. Je sais que si j’écoute mon corps et mes sensations je vais rester sur ça, et je vais me décourager et monter sans trop d’ambition. Du coup je démarre les calculs. J’avais lu sur Internet les durées moyennes des temps OR. Je regarde où j’en suis: je suis out sur l’objectif à ce rythme.

J’arrive à la Garde, je regarde encore une fois mon chrono, je me dis que cette fois c’est vraiment foutu alors je m’arrête au ravito et je prends le temps. Je mange quelques pâtes de fruits, je discute avec l’équipe, je bois deux trois verres d’eau. Puis je me dis que je suis dans l’une des plus belles cyclo-sportive du monde, foutu pour foutu, autant prendre du plaisir dans le final. Je me remobilise, j’oublie mon objectif OR et je monte à une allure plus axée plaisir, contemplatif. J’arrête de me faire mal pour me faire mal, c’est foutu. Le temps s’est finalement levé, il fait beau, et je suis content car je vais finir. Je refais quelques virages comme ça, qui en plus sont favorables: après la Garde ce sont des virages assez « relance », donc je suis dans mon élément. Et les sensations reviennent. Je passe les virages, je gagne quelques kms jusqu’à l’arrivée puis cet état d’esprit disparait et les questions reprennent. Et si je m’étais planté dans mes calculs ? Si ce n’était pas foutu à 100% et que ça allait se jouer à deux minutes. Qu’est-ce que je préfère ?  Savourer tranquille la fin de cette cyclo ou ne pas avoir de regrets pendant trois mois d’avoir loupé l’or pour deux minutes en s’étant arraché sur le final. Question rhétorique, je me remobilise direct et je bombarde (toutes proportions gardées…) 😀

Je monte finalement dans un enfer physique mais plus rapidement que mon train de dénégation précédent. C’est aussi un enfer mental: si je n’avais jamais monté ce col, ça serait passé sans problème, mais connaissant mes performances habituelles dedans, rien que 3 jours avant sur le prix des rousses, cette montée est très déprimante. A la fin je ne suis plus très lucide, je fais de la philosophie de comptoir avec moi même pour m’occuper: « après tout c’est ça le cyclisme, on fait ça pour souffrir », « mais pourquoi je m’inflige ça, je recherche quoi là dedans ? », bla bla bla. Tous les stades du dépassement.

J’arrive finalement au Viel-Alpe et là je sais qu’il ne me reste plus qu’un km. Et ce km je le connais par coeur et je sais que ses pourcentages me sont favorables: je me crée un virtual partner mental, je me dis que mon temps or va se jouer à 20 secondes, alors je me met en aéro et je le sors au maximum de watt et de pulsations que je peux. C’est à dire trois fois rien. Mais malgré tout, sur ce dernier km, il n’y a pas plus douleur physique parce que le cerveau est déjà sur l’accomplissement. L’horreur est derrière nous. Je passe la ligne d’arrivée, c’est la délivrance: j’ai terminé.

 

Je suis complètement usé, j’ai mal partout. J’ai eu des crampes dans le final ce qui lève un drapeau chez moi de « revoir la nutrition » et de travailler la LD. Mais je ne me laisse pas aller à l’émotion. Après avoir passé la ligne d’arrivée, je vire immédiatement ma plaque de cadre et le puçage et je vais au stand des arrivées pour connaitre mon temps. Je tends fébrilement ma puce et j’attends patiemment l’impression et la médaille en me demandant à quelle sauce je vais être mangé. Et le verdict tombe finalement:

Après 5000 mètres de D+, je finis OR, c’était presque inespéré compte-tenu des sensations. Pas le temps de pleurnicher, je me pose directement sur les barrières et j’attends FX en espérant qu’il soit juste derrière et qu’on fête ça ensemble. Malheureusement il arrivera 50 minutes plus tard ce qui lui coutera le temps OR qu’on s’était un peu tous les deux fixés à faire en duo.

Je suis super content et dans le même temps super déçu parce que je lis la déception sur son visage et après un effort comme ça, ce type de déception c’est x10 qu’on les prend. On décide de finir l’épreuve dignement en s’offrant une bière sur le stand, mais je m’arrête à la seconde gorgée, ça ne passe pas, preuve que je suis allé assez loin dans l’effort. Je lui file la bière, qui passe sans problème chez lui 😀 C’est un guerrier !

Finalement, pour une première participation je termine 1455ème sur un total d’engagés de 7500. J’ai remonté plus de 1200 participants compte-tenu de ma position de départ. Sur ma catégorie réelle, je finis 497ème. A la différence du prix des rousses, le puçage a cette fois été particulièrement exemplaire.

Quelques jours plus tard je m’engagerais sur une autre cyclosportive, la Pra-Loup Thevenet, mais surtout une semaine après je partirais pour une course d’ultra avec FX où on fera 1100km et plus de 30’000m de D+. On a eu tout le temps et le loisir de refaire cette marmotte et on partage les même frustrations. On sait tous les deux que notre temps réel est minimum -30 minutes sur nos temps respectifs, et on a assez compris nos erreurs: poids Apidura à cause de la météo, l’hydratation, gestion de l’effort, on a grosso-modo fait les même erreurs à distance. Je pense aussi qu’on manquait chacun d’un peu de foncier pour aussi long: à Montreal je n’avais fait que 6/7 sorties > 180km avant la Marmotte et sans D+. J’avais aussi ce rhume mais je pense que c’est un prétexte de tout mettre sur son dos. Le problème de foncier sera corrigé dès la semaine suivante avec notre ultra qui fera l’objet d’un récit sur ce blog aussi 😀 Je pense aussi qu’il faut que je retravaille un peu le périmètre nutrition car sur la course j’ai perdu près de 7400 kcal. Mes apports ont été bons mais insuffisants.

Même si en prenant le recul, et en discutant avec les gens (j’ai croisé beaucoup de personnes qui me disent qu’ils rêveraient de faire un temps OR sur cette épreuve, surtout sur une première participation, bla bla bla), la frustration reste assez grande, car j’avais un troisième objectif secret de faire un top 1000 sur l’épreuve, en dépit du plateau vraiment relevé. Et j’ai constaté en regardant le classement général en ligne, qu’avec les 30 minutes de moins que j’ai perdu bêtement, je faisais 750ème. Je comprends aussi que si les sensations ont été exécrable, ce n’est pas le cas du chrono, donc pour certaines parties, les sensations étaient juste réalistes.

Du coup, on s’est réinscrit pour l’année prochaine, qui vivra verra ! J’ai désormais l’expérience de la course et je vois un peu les problèmes à éviter et surtout la condition dans laquelle il faut arriver. Ayant déjà accompli l’objectif de finir et de faire un OR, pour 2018 l’objectif sera de faire un top 1000 et peut-être un top 500 en 2019 pour ma troisième participation. Au dessus cela me semble compliqué compte-tenu du plateau sportif, sauf à la préparer en mode objectif sur une année, ce que je ne souhaite pas me tournant de plus en plus vers des courses exclusivement ultra où la préparation est diamétralement opposée à ça. En tout cas, cette marmotte avec objectifs ça ne passe pas sans être au top en terme de poids ou sans un gros foncier. Par contre, en mode découverte, je la conseille vraiment à tous, si l’objectif est juste de finir, le sas 3 doit vraiment être excellent, les gens sont plutôt tous ouverts et sympa, ça discute beaucoup, les paysages de ces cinq cols sont totalement fous et contemplatifs, passer le Galibier donne son petit lot de frissons, c’est vraiment une cyclo hallucinante.

N’hésitez pas à être méticuleux sur le périmètre nutrition et hydratation, les arrêts aux stands font perdre moins de temps que ce qu’on perd en cas de fringale si vous partez trop léger. Moi j’avoue que je ne suis jamais fan de la nourriture des cyclos, sur ce point je pars toujours lourd pour un point qui me semble important: je connais parfaitement la gamme de produit que j’utilise chez Overstim’s. Prendre la nourriture d’une cyclo sans l’avoir testée au préalable, c’est vraiment la porte ouverte aux soucis digestifs sur aussi long. Surtout que certains produits « bas de gamme » sont vraiment extrêmement acidifiants.

Ca me rappelle une anecdote hallucinante d’il y a quatre ans: je m’entrainais le soir dans Huez et lors d’une ascension je m’étais arrêté à la Garde pour boire un coup et diner, il était genre 21h. Là un énorme Hollandais de 120kg était arrivé, avait commandé 2 cocas et 2 grosses portions de frites. Il s’est tout envoyé en 5 minutes chrono et il est remonté sur son vélo. Il était totalement vide musculairement et nutritivement mais il voulait finir sa marmotte à tout prix. Je n’avais pas eu le coeur de lui dire que là haut tout était démonté et qu’il ne serait pas pucé, ça faisait près de 14h qu’il roulait. Il allait finir en 15 ou 16h et de nuit. Horrible. Mais il allait finir.

Oh, au fait, pour le plaisir du troll, mon pote mécano avait bien raison:

 


 

Publié dansCyclisme

Un commentaire

  1. Fx Fx

    ça c’est du report! technique et lyrique à la fois, ça file l’envie de rouler 🙂

    Totalement d’accord sur toute la partie « fausses sensations » liées à la météo, c’est fou comme on boit moins quand il fait frais… sur du long ça ne pardonne pas…

    En parlant d’hydratation, j’ai offert ta bière à un groupe d’anglais, la deuxième passait vraiment pas ^^

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