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Vaujany GranFondo Alpes 2018 – Récit

Dimanche 1er Juillet, hier donc, avait lieu la première course cyclosportive du trophée de l’Oisans qui regroupe La Vaujany, Le prix de Grandes Rousses, La Grimpée Look Alpe d’Huez et enfin la Marmotte. Du solide, taillé pour grimpeurs. En terme de chiffres, on parle d’une cyclo de 175km avec un peu plus de 4000m de D+ (les organisateurs annoncent 3850m mais on avait tous 4000m au Garmin). Il y avait 5 cols/montées à franchir: l’Alpe du Grand Serre, le Col d’Ornon, l’Alpe d’Huez (par Villard Reculas), le Col de Sarenne et un sévère final sur la montée de Vaujany.

Je m’étais inscrit à cette cyclo le 25 Janvier avec l’objectif de me préparer sérieusement et espérer faire un top 100 (en estimant qu’il y aurait dans les 1000 participants). Et donc de faire mieux que l’an passé à la Marmotte ensuite. Et c’est ce que j’ai fait pendant de nombreux mois de Janvier à Juin. Les jambes commençaient à envoyer un peu solide avec une FTP à 326W le 1 Juin et une vo2max estimée à 66. Compte-tenu de la progression sur les six mois, je visais être à 350W de FTP fin Juin et aux alentours de 70 de vo2max. J’ai aussi profité de cette période pour perdre du poids et passer de 79kg à 74kg dans le but d’améliorer nettement mon rapport poids/puissance pour les montées. Bref, j’arrivais dans mon pic de forme et dans des conditions vraiment optimales.

Le 2 Juin tout a volé en éclat. J’ai déchaussé lors d’un sprint à 60km/h, je me suis donc retrouvé le cul sur le cadre, sans grand contrôle du vélo qui franchissait la ligne blanche sur une route ouverte. Et évidemment une voiture arrivait en face à 90km/h. J’ai donc du mettre un coup de hanche pour l’éviter et je suis allé me planter dans le bas côté.

Quand je réouvre les yeux, j’ai immédiatement mal à droite et du mal à respirer. Six heures plus tard aux urgences, on me confirme ce que je présentais quand je me suis relevé de ma chute: j’ai cinq côtes fracturées, une forte atélectasie du poumon droit (affaissement alvéolaire) qui m’empêche de respirer et j’ai visiblement évité le pneumothorax par miracle d’après les médecins car les côtes cassées sont déplacées et auraient du perforer en plus le poumon déjà blessé. Mon casque est complètement cassé et là c’est le moment chiant prévention: même pour l’entrainement ou autre mettez votre casque, ça fait 3 fois qu’il me sauve la vie. J’ai des plaies profondes partout, dont certaines très creusées (coude / genoux) qui mettront plus de quatre semaines à cicatriser car pour deux d’entre elle, je suis encore sur la fin de la cicatrisation en bourgeonnement. Ca c’est côté bonhomme. Côté vélo: mon cintre est cassé, mes manettes de transmission sont HS, ma fourche est cassée, ma tige de selle est cassée et mon cadre est vrillé. Mes Cosmic carbone Exalith vieilles de 3 mois sont voilées.

Donc voilà, à 4 semaines de mes objectifs d’été tout s’arrête.

Tout ? Non. Car un village peuplé d’irréductibles Gaulois résiste encore et toujours à l’envahisseur… Contre l’avis de mon médecin du sport et de mon kiné du sport, je me met en tête que je serais au départ de ces courses. Du coup, j’observe un premier dix-sept jours de coupure complète car de toute façon je ne peux ni respirer, ni bouger convenablement. C’est ma femme qui me fait mes soins tellement j’ai de plaies et qui est obligée de me redresser quand je suis allongé. Au 17ème jour, je suis sur mon vélo sur Zwift en intérieur et je fais 3/4 entrainements jusqu’à mon vol pour la France. Le 29 Juin, je tente une montée de l’alpe d’Huez. Ca passe. Pas un temps dingue bien sûr après une coupure de quatre semaines mais ça passe, et surtout, j’ai pu supporter d’être en danseuse. Le 1er Juillet je serais au départ de la Vaujany.

J’ai suivi le même protocole de préparation que ce que j’ai déjà écrit dans mes articles précédents (Malto, bcaa, Gatosport, etc) et j’ai fini en apothéose sur un doublé pâtes carbo + lasagnes. Le jour J, je suis debout à 5h pour un départ prévu à 7h15. Je prépare le matériel: la météo donne un 42° vers 13h en coeur de vallée je prends donc les gourdes de 750cl et je les charge d’hydrixir longue distance. Je prends 3 gels, 4 barres overstims, et le matos de réparation. Mon vélo étant complètement HS, j’ai loué un Pinarello Dogma F8 sur lequel j’ai monté mes Ksyrium 125 et ma cambium. Il n’est pas vraiment à ma taille et je n’ai rien pour faire une prise de côtes fine, mais ça fera le job. C’est vraiment une plongée dans l’inconnu: je roule avec des côtes consolidées–, un poumon farceur, je n’ai pas roulé depuis 4 semaines en dehors de 4 entrainements de 50 minutes, je n’ai pas mon vélo, ma morphologie a changé (perte de poids), je suis fin de jetlag et je ne connais pas cette cyclo. A 6h30 je pars de mon gîte et je rejoins le départ de la Vaujany (15 bornes de plus, on n’est plus à ça près 😀 ).

Lorsque j’arrive sur la ligne de départ, tout ce que je sais, c’est que je n’ai pas le droit à l’erreur. Si je me plante c’est obligatoirement l’hôpital car il y a de forte chance que le cal osseux saute et que ça fasse des dommages à l’intérieur. Je fais donc le choix chiant mais pragmatique de partir en dernier du peloton. Je sais que les premiers vont frotter pour gagner quelques places, puis que derrière eux y’a les mecs déjà de travers qui tentent de s’accrocher sans être super lucide, et en fin de peloton y’a les papis. Donc je pars derrière les papis en laissant quelques mètres d’avance, et je me dis que je vais remonter les groupes et me mettre dans les roues lorsqu’ils sont 6-10 par groupe.

Le plan se passe exactement comme prévu: je boucle la première demi-heure de course à 47km/h de moyenne (Strava donne un 50.2 km/h en best 20min) en alternant les phases solo en contre-la-montre pendant la phase de dépassement des papis où je sais que je ne serais pas relayé, et les phases où je commence à avoir du monde dans la roue alors je demande un peu de relais, puis finalement ça saute. Les gens ont assez peur d’appuyer aussi tôt dans la course donc je me retrouve souvent seul. Le plan se passe tellement comme prévu que je croise à 10km du premier col un cycliste secouru par la Croix-Rouge, frotté de partout et boitant. J’ai eu raison de ne pas partir dans le pack de tête, y’a eu de la chute. A trois kilomètres du pied de l’Alpe du Grand Serre j’accroche finalement un groupe intéressant sur le plat où les relais sont construits. Je prends un gel en prévision. Malheureusement, tout le groupe vol en éclat dès les premières pentes du Grand Serre et je pars finalement seul dedans. L’alpe du Grand Serre est vraiment une formalité, je suis super à l’aise dedans; compte-tenu de l’heure, les températures sont agréables, les arbres protègent bien les rampes très roulantes. C’est une montée Tom Dumoulin, elle est vraiment typé rouleur-grimpeur ce qui me correspond assez. Les rampes ne sont pas trop sèches et on peut lâcher les Watts sans crainte d’un 12% à chaque virage. Je dois reprendre dans les 200 personnes dans la montée en plus de celles dépassées sur le plat (medio et granfondo). Au final je boucle la montée à 271W moyen sur 56:54 et 170bpm moyen. La montée fait 13km à 7%.

Au sommet il y a un ravitaillement de flotte que je squeeze directement car je sais qu’à Valbonnais on a le gros ravito bouffe + eau. Dans cette première descente, je descend les mains sur les freins à cause de mes côtes, car encore une fois je sais que je ne peux pas aller à la faute. Moi qui descend usuellement plutôt agressivement, là j’oscille entre 45 et 50km/h et je me fais reprendre par plusieurs cyclistes. La descente se fait en trois temps, d’abord une franche descente, puis un relevé, puis une nouvelle descente et enfin on arrive sur une zone de plat. Compte-tenu des places que je perds en descente, je dois à chaque fois faire des efforts dans les montées ou sur le plat pour rentrer dans les groupes de descente. A ce stade de la course je n’y prête pas vraiment attention.

Quoiqu’il en soit, j’arrive finalement à Valbonnais avec des douleurs dans l’omoplate et dans l’épaule du côté qui a ramassé lors de la chute. Je me dis que si ça va crescendo, après le Col d’Ornon je tournerais à droite et retour à la maison. Au ravitaillement, je remplis mes gourdes d’Hydrixir, je prends quelques pâtes de fruits, et je repars. Le col d’Ornon par Valbonnais, c’est à peu près la même chose que l’Alpe du Grand Serre. C’est très roulant, il suffit de monter léger et de bien tourner les jambes. L’écrémage par l’arrière s’est déjà bien fait, dans la montée je ne reprends pas grand monde en dehors d’un groupe qui m’avait distancé sur le plat et derrière personne ne revient non plus. Tout le monde commence à être à sa place. La course se décante. Pas besoin de se mettre en prise. Dans la montée je gère l’effort et je m’astreins à maintenir l’écart avec le cycliste que je vois derrière moi pour monter régulièrement. La température augmente progressivement et j’y suis super sensible: la journée va être longue. Le col est bouclé à 227W moyen et 173 bpm/moyen, probablement à cause de la chaleur qui fait son apparition. La montée fait 14 km à 4% moyen (attention toutefois au 4 derniers km plus pentus).

Arrivée en haut je demande où est le prochain ravito, c’est à Villard Reculas, soit après la descente, puis la vallée, puis 10km d’ascension. Je fais donc le plein d’eau (sans Hydrixir car je pense, à tord, avoir tout liquidé) et j’entame la descente. A nouveau, je me fais nettement dépasser car je pêche par précaution. Un groupe s’est formé dans la descente, je le suis tout en gardant le dernier à distance au cas où il chute afin que j’ai le temps de l’éviter.

Finalement arrivé en bas, il y a 300 mètres, puis 500 mètres entre le groupe qui s’est formé et moi. Je vais lutter plus de 10 km sur le plat pour rentrer dans le groupe, ce qui va m’être presque inutile car je rentre juste avant le début de la prochaine ascension. Je commence à faire les comptes et à me dire que je ne peux pas continuer comme ça, je liquide toutes mes zones de repos pour rentrer sur les groupes, dans les ascensions je suis en prise, je n’ai presque aucune zone de repos. Ma prochaine descente sera celle de Sarenne et je dois trouver une meilleure stratégie mais pour le moment je remet ma réflexion à plus tard afin de rester concentré sur ma montée.

Dans la partie Villard Reculas jusqu’à Huez je commence à être dans le flou. Je n’ai presque aucun souvenir de cette montée. J’ai monté mécaniquement, sans vraiment penser à part me demander pourquoi je m’infligeais ça. Je pense que c’est un signe avant-coureur du gros décrochage que j’aurais dans la fin de la course. Je suis littéralement sec. Je suis au deuxième cycle de tournée d’eau sans sucre/sel, j’ai mangé une barre et comme d’habitude, plus la dette de sucre s’accroit, moins on pense à manger. Finalement arrivé à Huez, je m’arrête au ravitaillement pour au moins 15 minutes. J’ai besoin de décontracter mes jambes, mes épaules et surtout de manger. Et c’est du gros n’importe quoi, je mange 6 madeleines, 4 pâtes de fruit, du pain, un verre de sirop de menthe, etc. Je prends le temps de plaisanter avec les bénévoles, j’attends patiemment que le corps refasse les niveaux. Après ce repas frugale, je repars vers le Col de Sarenne, qu’on peut lier à l’ascension Villard Reculas – Huez – Sarenne, tout est en un bloc. Le col de Sarenne c’est globalement relax en dehors d’un détail, on part de 1815 mètre d’huez, on fume la pipe en descente jusqu’à 1720m puis on remonte et on se prend trois rampes d’un km chacune, l’une à 9%, l’autre à 10% et la dernière à 7%. Après plus de 100km et 3000 de D+, c’est mortel. Cette ascension m’a sorti du top 100. Je l’ai senti dans toute l’ascension en me disant que je n’étais pas dans le rythme. Et a postériori, j’ai eu la bonne lecture:

A bpm égal, mes watts ont totalement chuté, je n’ai pas été dedans. Quand je compare mon temps d’ascension avec le trio de tête, je concède plus de 40 minutes. Après 1 mois sans vélo, c’est vraiment le manque de foncier qui m’a flingué. J’ai surcompensé en tournant les jambes, etc, mais ça n’a pas suffit.

La descente de Sarenne est très sinueuse et très à pic. Le début de descente est un petit chemin pastoral et on arrive dans chaque virage à 180° à toute vitesse, et chacun des virages est recouvert de graviers. C’est extrêmement dangereux. Durant la descente je fais les comptes: exit le top 100 mais je suis « relax » avec l’idée. Je sais que je suis en reprise et que si j’arrive à boucler c’est déjà bien. Je trouve un objectif de contournement: arriver dans un temps OR. Pour obtenir le temps OR dans ma catégorie, il faut boucler sous les 8h11. Il me restait un peu plus de 2h au sommet. Dans la descente, je reste intègre avec les engagements que j’ai pris avec ma femme et la famille, je ne fonce pas et je fais attention. Par contre je sais qu’entre le barrage du Chambon et Allemont, ça va être contre-la-montre, à nouveau. Dans la descente je ne croise que deux personnes: une qui me double et une autre que je double. Arrivé au barrage, je m’engage dans un rallye de 30km à bloc jusqu’à Allemont. Je dépasse une dizaine de participant auxquels je propose à chaque fois de prendre ma roue et qu’on se relaie, mais à chaque fois ils sautent de ma roue ou n’essaient simplement pas. C’est donc tout seul que je passe cet enfer, avec un léger vent de face brulant, mon garmin me donne 45° en ressenti. Je boucle ça à 34km/h, compte-tenu des conditions (santé, dénivelé, fatigue) je suis plutôt satisfait.

J’arrive au pied de Vaujany avec presque une heure d’avance sur l’or. Vaujany c’est 5.5km à boucler à 8%. J’ai plus du double du temps qu’il ne me faut pour y arriver. Je savoure déjà dans la tête: grosse sensation de contentement, de plénitude. Après un mois sans vélo, cinq côtes cassées, un poumon abimé, je vais franchir l’arrivée en Or, dans un classement plus qu’honorable et après avoir fait quasiment la course tout seul en prise permanente, sans temps de repos. La joie. Je monte mon premier kilomètre, imbibé par la transpiration, poisseux, il n’y a plus aucun vent, la chaleur du goudron rayonne sur mes jambes, plusieurs zones ont fondues sur le sol, l’eau de mes bidons est absolument brulante, c’est infecte. J’entame le second kilomètre et toute la machine s’enraye. Je pédale carré, les jambes ne tournent plus. Ma vue se trouble, je meurs de chaud, je n’arrive plus à oxygéner. Je suis en train de faire une hypoglycémie sévère. Je dois m’arrêter sinon je vais m’écrouler. Je regarde à droite à gauche, je vois une sorte de porte de grange à l’ombre. J’avance dessus rapidement à pied pour pouvoir m’asseoir avant de m’écrouler, et je me vautre contre la porte rapidement arrachant au passage mes nouvelles chaussures post-chute. J’attends 5 minutes en me disant que rien n’est perdu mais plus le temps passe, plus je m’enfonce. Je me dis au début que c’est la chaleur car je déteste ça, je veux atteindre ma gourde pour prendre de l’eau mais j’en suis incapable. Je ne peux pas me lever. Je m’endors tellement je suis fatigué. Je plonge ma tête dans mes genoux et j’attends que mon corps stabilise la machine. C’est un enfer comme sensation. Je me sens vide, avec une sensation bizarre de film qu’il ne faut pas s’endormir maintenant. Je me dis qu’à la seconde où je peux me lever, je monte sur mon vélo, je descend et je rentre chez moi. J’ai le sentiment d’être un coureur du Tour qui vient de passer 200km à l’avant et qui se fait reprendre à 3km de la ligne d’arrivée. Je suis exactement dans le même cas: ça fait 172km que je tire tous les groupes que je croise, que je prends toutes les montées à bloc, que je refais mon retard des descentes et tout s’arrête là, à 3km de l’arrivée. J’ai envie d’attraper mon vélo et de le balancer dans le ravin mais je n’en aurais même pas la force. 5 minutes plus tard, un gros boom me sort de ma léthargie. C’est un concurrent qui vient de s’effondrer devant moi. Il est pris par les crampes, il vient de tomber sur la route et il n’arrive plus à se relever. Son regard implore mon aide et je lui dis que je suis moi même incapable de me lever. Il comprend poliment et fini par réussir à se relever au bout de longues minutes et après avoir été dépassé par d’autres coureurs qui à ce stade de la compétition n’ont plus aucun enjeu mais ne s’arrêtent pas pour autant pour l’aider. Je met la main à la poche de mon dossard et j’en tire 2 barres et un gel: j’engloutis l’ensemble pour ne pas tomber dans les pommes en rentrant chez moi. Fuck la Vaujany. De toute façon c’était un pari à la con compte-tenu des conditions. Dès que je peux je me relève et je me casse, et rien à foutre si j’ai fait tout ça pour rien. Rien à foutre si j’abandonne à 3km de l’arrivée. Plus rien ne compte: de toute façon tout est perdu. Le top 100 et l’OR.

J’attends patiemment en essayant de ne pas m’endormir, la tête dans les genoux avec une profonde déception, une mauvaise estime de moi, etc. Je me sens misérable, c’est la première fois que ça m’arrive. Je suis plutôt habitué à être dans les « bons » classement sportivement. Et pour couronner le tout, je vois arriver un à un, à un train de sénateur, des coureurs que j’ai dépassé en début de journée. Certains me regardent médusés, d’autres franchement consternés, mais le pire c’est le regard « alors le petit jeune, t’as voulu faire le kakou, tu paies la note, nous les anciens on sait comment on fait » (et mon jersey Team Sky les aide beaucoup à se lâcher j’ai l’impression). Et à ce stade je ne peux pas leur hurler dans les oreilles les ultras que j’ai fait, les LD ou simplement les courses, je dois faire ce qu’il convient de faire: accepter qu’ils ont raison pour aujourd’hui. Mon compagnon de galère me fait relever la tête avec un « t’es sûr que ça va aller ? ». Je le rassure et je le remercie pour sa sympathie. Ses crampes se sont estompées, il repart.

Au bout de 30 minutes mon corps a finalement refait les niveaux. Je suis redevenu lucide, ça ne tourne plus, j’arrive à me relever. Et le sucre m’a redonné un peu de raison. Preuve s’il en est qu’il ne faut jamais prendre de décision en hypoglycémie 😀 Je me dis que c’est facile d’être humble dans la victoire et lors des résultats. Mais c’est beaucoup plus difficile d’être humble lors de la défaite. Mais je vais m’y astreindre, je vais monter, passer la ligne d’arrivée et m’exposer à nouveau au mépris des autres participants qui ne connaissent pas mon histoire mais qui m’ont vu caracoler en tête une belle partie de la journée. Je remonte sur mon vélo. Impossible de faire tourner les jambes. Ca ne marche pas. Je vais finir les 3 derniers km à pied, mais je vais finir. Mes nouvelles chaussures auront ramassé, après un beau frottage au sol, c’est au tour des cales de ramasser pendant 2km. 2km à pied c’est long, surtout dans Vaujany mais ça me laisse le temps de faire le post-mortem. Pourquoi ai-je foiré à ce point ?

En faiblement impactant:

  • Evidemment le manque de foncier après 4 semaines sans entrainement.
  • Démarrer par une trop longue distance sans avoir intercalé des étapes intermédiaires.

En réellement impactant:

  • Mon manque d’agressivité en descente m’a forcé à faire des relances constantes pour rentrer dans les groupes tout en enchainant les montées derrière, j’ai passé 175km en prise totale.
  • Ma dernière prise de bouffe datait de l’Alpe d’Huez, et sur la distance à couvrir, usuellement je passe largement compte-tenu de ce que j’avais ingurgité, mais cette fois j’ai du faire 30km à bloc pour rentrer dans les temps. Défaut de nutrition.
  • J’ai fortement minci cette année pour me positionner à 74kg, ce qui m’a rendu nettement plus aérien, mais qui modifie aussi largement ma nutrition de l’effort, je dois manger beaucoup plus régulièrement qu’avant car j’ai moins de « ressources ».
  • J’ai beaucoup tourné avec des gourdes d’eau tellement il faisait chaud, rien que respirer asséchait la bouche et le nez, et à court terme c’est meilleur car les boissons isotoniques sont rapidement écoeurantes mais à long terme ça crée de gros déficits.
  • J’ai trop axé mon alimentation sur le sucre et pas assez sur le sel pour une journée comme celle-ci, c’est ce qui a aussi occasionné mes douleurs dans les jambes etc. Il faisait vraiment trop chaud.
  • Enfin j’ai pris de l’Hydrixir normal et non de l’Hydrixir LD un peu enrichit en sel, BCAA et protéines.

Bref, ce mélange de convalescence, de changement de poids, et de météo m’a bien tué sur ce parcours.

Sur le dernier kilomètre je sens que cette fois le corps est OK et que tout est revenu, la barre sucré + la barre salée + le gel sont cette fois vraiment en action. Je remonte sur ma machine et je passe la ligne d’arrivée sur mon vélo, sous le regard incrédule de certains participants. Le gars qui s’était stoppé plus bas me congratule franchement. Je suis content d’avoir fini ça me permettra d’avoir un temps de référence facile à battre l’année prochaine 😀

Entre mes 30 minutes d’arrêt et ma montée à pied sur deux kilomètres, je passe à côté du temps OR pour 30 minutes. Sans ça, j’aurais donc bouclé le parcours aux alentours des 7h45, ce qui m’aurait placé dans les 150ème sur la course avec 25 minutes d’avance sur le temps OR. Jétais finalement assez près de mon objectif 1 d’être dans le top 100. Finalement je boucle 202ème. J’ai perdu 50 places avec la fringale. Je pensais avoir comblé la dette de kerozène en ayant bien écouté mon corps et en me gavant au ravito d’Huez mais ça n’a pas suffit compte-tenu du travail que j’ai eu à fournir. D’ailleurs j’ai assisté à une triche assez amusante dans Huez: le mec a passé le pointage de Sarenne et est redescendu par Huez directement, sans faire la boucle Mizoen, Chambon. Et effectivement, il n’y avait pas de pointage en bas. Il a du gagner un solide 20 minutes sur le parcours, je n’ai pas eu la présence d’esprit de relever son n° de dossard, mais c’est amusant pendant tout le parcours il m’avait fait à chaque ravito « oh je ne sais pas si je vais finir », et je me disais qu’il surjouait. Tout ça pour ça. Si j’en crois la numérotation des dossards et la fiche de résultats: il y aurait eu plus de 300 ou 400 abandons sur la course. Ce qui semble coller car il y avait un sas < 300 et un sas > 300 où on était nombreux et finalement au classement final il n’y a plus que 303 personnes alors que j’ai vu des dossards jusqu’à 780. Ca compense un peu ma déception, avoir fini en soit est une victoire.

Après avoir passé la ligne d’arrivée j’ai rejoins la « pasta party ». Finalement je n’avais plus très faim après mes barres & gels.

J’ai donc pris la route du retour et j’ai bouclé les 20km qu’il me restait jusqu’à chez moi à 36km/h. La fringale était passée. Ca a ajouté du malheur au malheur.

En rentrant je me suis affalé dans le canapé puis j’ai repensé à tout ça en me disant que c’était bien pour un blessé, mais rien n’y a fait.
Echouer à 3.2km de l’arrivée c’était dur. Trop dur.
Surtout après 175km d’enfer comme aujourd’hui et après 5 cols franchis.
Alors j’ai versé quelques larmes, comme un enfant de 5 ans. C’est aussi ça le sport.

 

 

Publié dansCyclisme

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